Le rejet des mesures de confinement partiel affectant Madrid: l’auto n°128 du 8 octobre 2020

Veille de jurisprudence en lien avec la crise sanitaire

Essentiels : Gestion locale de l’épidémie de Covid-19 – Contrôle de légalité des limitations aux libertés fondamentales.

Le Tribunal supérieur de justice de Madrid juge que l’arrêté n°1273 du 1er octobre 2020, émis par l’autorité sanitaire de la communauté autonome de Madrid, ne doit pas être ratifié. D’après le Tribunal supérieur, cet acte représente une ingérence légalement injustifiée des pouvoirs publics dans l’exercice de la liberté d’aller et venir (article 19 de la Constitution espagnole) des plus de cinq millions de citoyens (Tribunal supérieur de justice de Madrid, chambre du contentieux administratif, auto n°128 du 8 octobre 2020).

Décision : Tribunal supérieur de justice de Madrid, chambre du contentieux administratif, auto n°128 du 8 octobre 2020

La chambre du contentieux administratif du Tribunal supérieur de justice de Madrid (Espagne)[1] s’est prononcée sur la demande de ratification[2] de l’arrêté n°1237 du 1er octobre 2020[3] présentée par le ministère public[4].

Cet acte émanant de l’autorité sanitaire[5] de la communauté autonome de Madrid prévoyait des limitations à la liberté d’aller et venir[6] des plus de cinq millions de citoyens résidants dans dix municipalités[7] pour faire face à la résurgence du Covid-19. Il a été pris suite à l’arrêté communiqué par le ministre national de la santé la veille, le 30 septembre 2020. 

Le Tribunal supérieur de justice était donc amené à déterminer si le confinement de la capitale espagnole et de ses environs était légalement justifié, nécessaire et proportionnel pour prévenir la remontée en puissance de l’épidémie.

Les magistrats ont tout d’abord rappelé qu’il est possible d’adopter des mesures spécifiques limitant l’exercice de certains droits fondamentaux, sans déclencher l’état d’alarme[8], pour juguler la deuxième vague de Covid-19. Toutefois, ils ont ensuite précisé que ces limitations doivent être préalablement envisagées dans une loi organique ou ordinaire afin qu’elles soient certaines, prévisibles et justifiées au regard des buts poursuivis et des objectifs à atteindre (e.g. la protection de la santé et de la vie des personnes).

Ainsi, ils ont examiné le seul fondement juridique de l’arrêté du 30 septembre 2020 du ministre national de la santé : l’article 65 de la loi n°16 du 28 mai 2003. En effet, c’est en exécution de cet acte que l’autorité sanitaire de la Communauté de Madrid a publié postérieurement l’arrêté n°1273 d’octobre 2020.

Ce faisant, ils concluent que l’article 65 de la loi n°16 ne prévoit pas explicitement l’autorisation d’établir des mesures qui limitent les droits et libertés fondamentaux. En conséquence, ils déterminent que le confinement de la Communauté autonome de Madrid, prévu par l’arrêté n°1273 du 1er octobre 2020, est une ingérence légalement injustifiée des autorités publiques dans l’exercice des droits et libertés fondamentaux des citoyens qui ne peut pas être ratifiée.


[1] Pour rappel, contrairement à la France, il n’existe pas en Espagne une dualité de juridiction mais chaque juridiction dispose en son sein d’une chambre ou d’une section spécialisée dans le contentieux administratif.

[2] La loi 29/1998 du 13 juillet, prévoit dans l’article 10 que les chambres contentieuses administratives des Tribunaux supérieurs de justice « (…) doivent accorder une autorisation judiciaire ou ratifier les mesures prises en application de la législation sanitaire que les autorités sanitaires des communautés autonomes considèrent comme urgentes et nécessaires pour la santé publique et qui impliquent la limitation ou la restriction des droits fondamentaux. ».

[3] « Orden 1273/2020, de 1 de octubre ».

[4] « La Abogacía General de la Comunidad de Madrid ».

[5] « La Consejería de Sanidad ».

[6] Article 3. « Mesures préventives spécifiques à appliquer conformément aux dispositions de l’arrêté notifié par le ministre de la Santé le 30 septembre :

1. L’entrée et la sortie des personnes des communes énumérées dans la section précédente sont limitées, sauf pour les voyages, dûment justifiés, qui ont lieu pour l’une des raisons suivantes (…) ».

[7] Alcalá de Henares, Alcobendas, Alcorcón, Fuenlabrada, Getafe, Leganés, Madrid, Móstoles, Parla et Torrejón de Ardoz.

[8] El estado de alarma, prévu par l’article 116 de la Constitution espagnole et la loi organique n°4/1981, est le régime constitutionnel de crise le plus analogue à l’état d’urgence français.

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