Veille de doctrine fiscale
ESP. Interpretación “dinámica” o “estática” de los Convenios
FR. Interprétation « dynamique » ou « statique » des conventions
Note de Jaime PEIRO, avocat, el notario del siglo XXI-mayo-agosto 2020/n° 91-92. Lien vers l’article : https://www.elnotario.es/practica-juridica/10098-interpretacion-dinamica-o-estatica-de-los-convenios
L’auteur a écrit cette note afin d’expliquer la manière correcte d’interpréter une convention fiscale. Pour cela, il fait une présentation de l’arrêt du 3 mars 2020 du Tribunal suprême de l’Espagne[1] et de sa portée.
Les « Conventions en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune » sont un élément fondamental pour éviter des situations indésirables en matière de fiscalité internationale. À savoir la double imposition, la double non-imposition et l’évasion fiscale. L’auteur rappelle qu’il existe plusieurs modèles de ces conventions fiscales. Toutefois, il souligne que les plus utilisés sont celles de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) et de l’Organisation des Nations unies, dont la structure et le contenu sont souvent reproduits pour la signature d’accords bilatéraux. L’auteur relève que l’Espagne, par exemple, fait partie de plus d’une centaine de conventions fiscales qui suivent le Modèle proposé par l’OCDE.
L’auteur indique à cet égard que l’OCDE met régulièrement à jour son Modèle de convention fiscale[2]. Ceci est fait afin d’adapter et d’ajuster le Modèle aux nouvelles réalités et aux nouveaux défis. D’autre part, il rappelle que l’OCDE prépare et publie un document associé à chaque version du Modèle. Ce document est intitulé « Commentaires sur les articles du Modèle de convention ». Son importance pratique est décisive, car il est rédigé par des experts du Comité des affaires fiscales de l’OCDE, qui homogénéisent les critères d’interprétation des articles du Modèle.
Devant cette évolution constante des textes, l’auteur rappelle la difficulté de déterminer quelle version du Modèle de convention fiscale de l’OCDE, et de ses Commentaires, doit être utilisé pour interpréter correctement une convention fiscale en particulière. En effet, il existe deux possibilités. Soit appliquer la version du Modèle et de ses Commentaires qui était en vigueur au moment où la convention fiscale a été conclue. C’est-à dire, effectuer une interprétation dite « statique » de la convention fiscale. Soit appliquer la version la plus récente. Autrement dit, effectuer une interprétation dite « dynamique ».
A cet égard, l’auteur présente l’affaire tranchée par le Tribunal suprême le 3 mars dernier, qui a donné lieu à trois considérations déterminantes.
Le litige découle de l’interprétation de l’article 5[3] de la convention fiscale conclue entre l’Espagne et la Suisse en 1966[4], qui fait référence à la notion d’« établissement stable ». La formulation de cette norme n’avait pas été modifiée jusqu’au dernier amendement de la convention en 2011. Dans l’arrêt attaqué, l’Audience nationale[5] a considéré que la succursale suisse d’une société commerciale résidant en Espagne ne devait pas être considérée comme un « établissement stable », car l’activité qu’elle exerçait consistait en une activité financière et avait donc un caractère accessoire. L’Audience nationale est parvenue à cette conclusion en interprétant la convention fiscale de 1966 conformément aux Commentaires accompagnant le Modèle de convention de l’OCDE datant de 2005.
Compte tenu de tous ces éléments, l’auteur évoque les trois critères qui ont été posés par le Tribunal suprême à cette occasion. Premièrement, les Modèles et Commentaires de l’OCDE ne sont pas des sources de droit. Dans le système juridique espagnol, en particulière, ils sont de textes qui n’ont pas force de loi.
Deuxièmement, la décision de l’Audience nationale rendait inefficace la notion d’« établissement stable » convenue par l’Espagne et la Suisse dans leur convention fiscale bilatérale de 1966, pour la remplacer par une autre notion plus tardive. Autrement dit, l’Audience nationale a appliqué rétroactivement des dispositions de 2005. Cela a conduit à une interprétation défavorable à la société commerciale, fondée sur une notion d’ « établissement stable » unilatéral qui était inconnue par les autorités fiscales espagnoles et suisses. L’auteur indique à cet égard qu’aux termes de l’article 96 de la Constitution espagnole les conventions fiscales, valablement conclus et publiés officiellement, font partie de l’ordre juridique interne et doivent donc être appliquées. En fait, il rappelle aussi la règle prévue à l’article 7 de la loi générale d’imposition[6], selon laquelle les conventions fiscales sont, après la Constitution, l’une des sources de droit espagnol.
Troisièmement, le problème de droit ne consistait pas à définir l’interprétation dite « dynamique » des conventions fiscales. Toutefois, l’auteur relève que le Tribunal suprême a bien précisé qu’une ladite interprétation ne peut pas être appliquée rétroactivement.
L’auteur conclut sa note en en mettant en valeur la portée de cet arrêt. Il affirme que les restrictions à l’interprétation « dynamique » des conventions fiscales, devront servir pour éviter les situations injustes ou abusives en matière de fiscalité internationale.

[1] TRIBUNAL SUPREME ESPAGNOL, Chambre du contentieux administrative. Arrêt du 3 mars 2020, pourvoi n° 5448/2018, en ligne, disponible sur : http://www.poderjudicial.es/search/AN/openCDocument/47c54a4d73e1a19676437e91cf620c653410dae6e4c6fb00
[2] La dernière version date de 2017
[3] « Art. 5 Etablissement stable (…) 3. On ne considère pas qu’il y a établissement stable si : (…) une installation fixe d’affaires est utilisée, pour l’entreprise, aux seules fins de publicité, de fourniture d’informations, de recherches scientifiques ou d’activités analogues qui ont un caractère préparatoire ou auxiliaire ; (…) ».
[4] « Convention entre la Confédération suisse et l’Espagne en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune », en ligne, disponible sur : https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19660094/index.html#:~:text=0.67%20Double%20imposition-,0.672.933.21%20Convention%20du%2026%20avril%201966%20entre%20la%20Conf%C3%A9d%C3%A9ration,%C3%A9change%20de%20lettres%20et%20prot.)
[5] L’Audiencia Nacional est un tribunal centralisé et spécialisé dans certaines matières qui lui sont attribuées par la loi. Elle a été créée par le décret-loi royal 1/1977. La chambre du contentieux administratif, en concret, juge les pourvois formés contre les actes et règlements de l’administration publique.
[6] Loi 58/2003 du 17 décembre, en ligne, disponible sur : https://www.boe.es/buscar/act.php?id=BOE-A-2003-23186