Revue de doctrine
Note de Eva María NIETO, professeur de droit administratif à l’université de Castille-La Manche, Almacén de derecho, 15 septembre 2020, lien vers l’article .
Cette note vise à expliquer l’indemnisation des dommages subis du fait des mesures prises pendant l’état d’alarme, prévue à l’article 3.2 de la loi organique n°4 de 1981[1]. À cette fin, l’auteur divise sa note en deux parties. Dans la premier partie, l’auteur rappelle les caractéristiques de cette norme. Dans la deuxième, l’auteur évoque les conditions légales qui doivent être remplies pour avoir droit à l’indemnisation susmentionnée.
D’une part, en ce qui concerne les caractéristiques de l’article 3.2, l’auteur en mentionne trois. Premièrement, l’auteur explique que cette norme crée un droit de réparation qui n’a aucun fondement constitutionnel. En effet, il ne découle ni de l’article 106.2 ni de l’article 121 de la Constitution espagnole de 1978, qui prévoient, respectivement, une clause générale de responsabilité de l’Etat pour faute de l’Administration, et le droit à réparation à la suite du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice judiciaire et administrative. Par conséquent, l’auteur souligne que l’article 3.2 de la loi organique n°4 crée une hypothèse légale de responsabilité patrimoniale de l’Administration publique.
Deuxièmement, l’auteur ajoute que cette hypothèse légalede responsabilité se caractérise par le fait qu’elle inclut l’indemnisation des dommages causés par la survenance d’un événement de force majeure, contrairement à la clause générale de responsabilité prévue à l’article 106.2 de la Constitution. Toutefois, l’auteur avertit à cet égard qu’il faut tenir compte de l’arrêt n° 60 du 3 juin 2020 du Juzgado de lo social único de Teruel. Cette décision a déterminé que la pandémie causée par le Covid-19 n’est pas un événement de force majeure. Pour cette raison, l’auteur explique que le droit à l’indemnisation prévu à l’article 3.2 peut être invoqué par ceux qui ont subi des dommages corporels, matériels ou immatériels pendant les états d’alarme, d’exception et de siège, pour réparer uniquement le soi-disant « sacrifice spécial ». C’est-à-dire, le législateur organique a créé cette hypothèse légale de responsabilité dans le but de compenser les « sacrifices » imposés à un petit groupe de citoyens afin de protéger l’intérêt général.
Finalement, l’auteur rappelle qu’une telle indemnisation peut être accordée sans qu’il soit nécessaire de déclarer inconstitutionnelles les mesures de l’état d’alarme, d’exception ou de siège. Ainsi, l’auteur souligne que, par exemple, les limitations des droits et libertés fondamentaux résultant du décret-loi n° 463 du 14 mars 2020, qui a déclaré l’état d’alarme pour la gestion de la crise sanitaire provoquée par le Covid-19, et du décret-loi n° 465 du 17 mars 2020, qui l’a modifié, sont constitutionnelles[2]. Toutefois, une personne peut subir des dommages ou des préjudices du fait de l’imposition de ce que l’on appelle le « sacrifice spécial ». Par conséquent, l’auteur évoque que, dans ce cas, la responsabilité de l’Administration n’est pas fondée sur sa faute, mais sur le « dommage sacrificiel » occasionné à la victime. La reconnaissance de l’indemnisation prévue à l’article 3.2 serait donc appropriée, car sinon, les droits de cette personne seraient moins importants que ceux des autres citoyens.
D’autre part, en ce qui concerne les conditions légales qui doivent être remplies pour avoir droit à cette indemnisation, l’auteur rappelle les trois suivantes. Premièrement, l’existence réelle d’un dommage. Deuxièmement, que le comportement de l’individu n’ait pas contribué au dommage. Troisièmement, que le préjudice subi n’ait pas été compensé par le bénéfice obtenu.
L’auteur explique qu’en ce qui concerne les deux dernières conditions, s’il est constaté que le comportement de la victime a causé le dommage ou si la victime s’est enrichie injustement par le bénéfice obtenu de l’événement qui a causé le dommage, il ne devrait y avoir aucune indemnisation. En effet, on ne saurait parler de « sacrifice » si le préjudice découle du comportement de la victime. Dans ce cas le préjudice ne serait pas un fait provoqué pour obtenir le bien-être général mais le résultat du comportement fautif de la victime. De surcroît, le principe « compensatio lucri cum damno », empêche la personne lésée d’être partiellement ou totalement indemnisée lorsque le dommage ou la perte est compensé par les bénéfices obtenus du fait dommageable[3].
L’auteur conclut sa note en expliquant la procédure administrative pour introduire la demande d’indemnisation. L’auteur rappelle que la victime doit présenter une réclamation accompagnée d’un rapport quantifiant les dommages et l’adresser à l’Administration publique qui a adopté la mesure causant les dommages pendant l’état d’alarme. L’auteur ajoute que le délai pour demander cette indemnisation est de douze mois, à compter du moment où le dommage ou le préjudice peut être quantifié.

[1] Article 3. « (…) Deux. Ceux qui, du fait de l’application des actes et des dispositions adoptés pendant la validité de ces états, subissent, directement ou en leur personne, leurs droits ou leurs biens, des dommages ou des préjudices pour des faits qui ne leur sont pas imputables, ont droit à une indemnisation conformément aux dispositions de la loi. ».
[2] L’auteur souligne que ces décrets-lois ont été adoptés conformément à la doctrine constitutionnelle établie par les décisions STC 83/2016 et ATC 7/2012.
[3] Comme exemples de ces avantages, l’auteur mentionne les aides publiques, les subventions et les déductions fiscales.