L’état du développement de la technologie 5G en Espagne: les évaluations environnementale et d’impact sur la santé

I. À quel stade et dans quelles conditions une évaluation environnementale du type de celle prévue par l’art. 3, §4 de la directive 2001/42 dite « plans programmes » (et plus généralement par cette directive ou sur un autre terrain) a pu être effectuée, ce dans les États qui ont déjà déployé la 5G, du moins un échantillon représentatif ?

En quelques mots : le 21 août 2019, le Défenseur des droits espagnol (el Defensor del Pueblo) a publié le rapport intitulé « Évaluation environnementale et effets sur la santé du Plan national 5G ». Il y avait été conclu que le Plan national 5G n’a pas été soumis à l’évaluation environnementale stratégique prévue par la loi n° 21 de 2013 qui transpose en droit espagnol la directive 2001/42/CE.

La Commission européenne a publié en 2016 le « plan d’action pour la 5G en Europe ». L’objectif de ce plan est de coordonner les États membres de l’Union européenne afin d’introduire avec succès une nouvelle génération de technologies de réseau, connue sous le nom de « la 5G »[1], et de placer l’Europe à l’avant-garde mondiale de la technologie et de l’économie.

Ultérieurement, et en application du régime général des télécommunications prévu à l’article 149.1.21 de sa Constitution[2], l’Espagne a créé le « Plan national 5G 2018-2019 » le 1er décembre 2017. Il a commencé à être mis en œuvre par l’adoption d’une série de mesures. Parmi celles-ci figurent l’offre de soutien public pour encourager la mise en œuvre de projets pilotes et de solutions technologiques innovantes basées sur la 5G, l’adjudication des premières bandes de fréquences et la gestion du spectre électromagnétique[3]. L’objectif est de placer l’Espagne parmi les pays les plus avancés dans le développement de cette nouvelle technologie, sur la base de la mise en œuvre d’objectifs stratégiques et de mesures concrètes. Par conséquent, ce document est une ligne directrice destinée à répondre à des besoins sociaux qui s’adapte à la définition légale du « plan » prévue par la loi n° 21 décembre 9 de 2013, portant sur l’évaluation environnementale (article 5.2. B.[4]).

La loi n° 21 de 2013 a transposé en droit espagnol[5] la directive 2001/42/CE relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, et la directive 2011/92/UE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement. Elle s’applique à toutes les administrations publiques.

Cette loi établit la procédure dite « d’évaluation environnementale stratégique » des plans susceptibles d’avoir des effets significatifs sur l’environnement (article 7 et chapitre II du titre III). La procédure consiste en la préparation d’une étude environnementale, la socialisation d’information sur le plan auprès du grand public, la réalisation de consultations avec les administrations publiques concernées et les personnes intéressées, et une déclaration environnementale comprenant les déterminations, mesures ou conditions qui doivent être intégrées dans le plan qui est finalement approuvé ou adopté pour garantir sa durabilité. L’objectif de cette évaluation est d’assurer une prévention adéquate des impacts environnementaux qui peuvent être générés par l’application d’un plan.

En 2019, plusieurs associations écologistes ont demandé à soumettre le Plan national 5G à cette évaluation. En conséquence, le 21 août 2019, le Défenseur des droits (el Defensor del Pueblo[6]) est intervenu et, dans le cadre de ses fonctions de défense des droits fondamentaux et des libertés publiques des citoyens en supervisant l’activité des administrations publiques espagnoles, il a publié le rapport intitulé « Évaluation environnementale et effets sur la santé du Plan national 5G ». Il y avait été conclu que le Plan national 5G n’a pas été soumis à l’évaluation environnementale stratégique prévue par la loi n° 21 de 2013[7].

Premièrement, le Défenseur a indiqué que le Secrétariat d’État pour l’avancement du numérique (la Secretaría de Estado para el avance Digital) n’a pas consulté le Ministère de l’environnement sur la pertinence de réaliser la ladite évaluation environnementale. Il a donc rappelé que la loi n° 21 de 2013 prévoit que le principe de collaboration active entre les organismes impliqués dans le procès d’évaluation doit être respecté (article 2.h) et que les administrations publiques ayant des responsabilités en matière environnementale doivent être consultées sur la demande d’adoption ou d’approbation d’un plan (article 3.1).

Deuxièmement, le Défenseur a conclu que le Plan national 5G n’a pas été formellement approuvé. Sur ce point, il a souligné qu’il existe une contradiction. En effet, le Défenseur indique que, bien que ce Plan national soit le guide pour placer l’Espagne parmi les pays les plus avancés dans le déploiement de la nouvelle technologie 5G, la Direction Générale des Télécommunications déclare qu’il n’a aucun effet contraignant, malgré le fait que son contenu soit en cours d’application. De surcroît, le Défenseur a souligné que le Secrétariat d’Etat susmentionné n’a pas expliqué les raisons de cette absence d’approbation formelle.

Enfin, le Défenseur a estimé que le Plan national 5G n’est pas conforme à l’article 3 du Traité sur l’Union européenne[8] et à l’article 11 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne[9]. Ces normes prévoient, d’une part, « un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement » et, de l’autre, que « les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de l’Union, notamment en vue de promouvoir un développement durable ». 

Le Défenseur a expliqué à cet égard qu’il ne peut pas être déduit du contenu du Plan si sa mise en œuvre affectera ou non l’environnement. Par conséquent, il a souligné que l’absence d’informations concernant des aspects tels que les lieux où la nouvelle infrastructure doit être déployée et les effets possibles sur le paysage ou l’utilisation des sols, révèlent que l’environnement n’est pas pris en considération même pour justifier que l’évaluation environnementale stratégique prévue par la loi n° 21 de 2013 n’était pas nécessaire.

Le Défenseur a rappelé également que cette loi portant sur l’évaluation environnementale est la transposition d’une directive communautaire à caractère obligatoire dans des cas tels que le Plan national 5G. En effet, ce document prévoit des « stratégies, lignes directrices et propositions » qui se caractérisent par le fait qu’elles sont « conçues pour répondre aux besoins sociaux, non pas directement exécutables, mais par leur développement au moyen d’un ou de plusieurs projets ». Par conséquent, bien que le Plan national 5G fasse référence à un projet de télécommunications, qui serait initialement exempté de l’obtention d’une licence environnementale conformément à la loi n° 9 de 2014, il prévoit la mise en œuvre de politiques publiques dont le contenu et l’impact sont définis et réglementés par la loi n° 21 de 2013. Pour cette raison, il doit se conformer à la procédure d’évaluation environnementale stratégique.

II. À quel stade et dans quelles conditions une évaluation d’impacts sur la santé du Plan national 5G a pu être effectuée ?

En quelques mots : le Plan national 5G ne fait à aucun moment référence aux recommandations 1999/519/CE et 1815 (2011) du Conseil de l’Union européenne. Le Défenseur des droits considère donc que l’article 191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et l’article 7 du décret-loi 1066/2001, qui prévoient le principe de précaution, doivent être appliqués.

Le rapport « Évaluation environnementale et effets sur la santé du Plan national 5G » évalue également si le Plan national 5G est conforme à la législation nationale et aux recommandations européennes concernant la protection de la santé de la population contre les dangers potentiels des champs électromagnétiques.

Premièrement, le Défenseur a déterminé que le Plan national ne fait à aucun moment référence aux recommandations 1999/519/CE et 1815 (2011) du Conseil de l’Union européenne. Ces recommandations invitent aux membres de l’Union à tenir compte du principe de précaution et du principe ALARA[10], à adopter des mesures visant à réduire l’exposition des enfants et des jeunes aux champs électromagnétiques et à maintenir les installations électriques à une distance de sécurité suffisante.

Deuxièmement, le Défenseur a indiqué que la technologie 5G utilisera la bande 26GHw pour laquelle le calcul des niveaux d’exposition sans danger n’a pas encore été réalisé. Il considère donc que l’article 191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et l’article 7 du décret-loi 1066/2001, qui prévoient le principe de précaution, doivent être appliqués. Quant à ce principe, il implique que des mesures de précaution doivent être adoptées face à une activité qui constitue une menace ou un préjudice pour la santé publique ou pour l’environnement, même si le lien de causalité n’a pu être scientifiquement démontré.

Enfin, le Défenseur a souligné l’importance de la création de la Commission interministérielle des radiofréquences et de la santé (la Comisión Interministerial sobre Radiofrecuencias y Salud). C’est ce qu’a suggéré le Ministère de la santé, des services sociaux et de l’égalité en 2017. Cette Commission serait l’organisme spécialisé chargé de réaliser des études sur les aspects liés au risque potentiel pour la santé de l’utilisation de la technologie 5G et plus apte à se prononcer sur l’application du principe de précaution dans ce cas.


[1] COMISIÓN EUROPEA. “La 5G para Europa: un plan de acción”, en ligne, consulté le 18 novembre 2020, disponible sur: https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2016/ES/1-2016-588-ES-F1-1.PDF

[2] Article 149. (…) 1. L’État jouit d’une compétence exclusive pour les matières suivantes : (…) 21) chemins de fer et transports terrestres qui traversent le territoire de plus d’une communauté autonome ; régime général des communications ; trafic et circulation des véhicules à moteur ; postes et télécommunications ; cables aériens, sous-marins et radiocommunication ; (…) ».

[3] LA MONCLOA.ES. “Agenda digital anuncia un paquete de medidas para el impulso del 5G”, publié le 1 décembre 2017, consulté le 18 novembre 2020, en ligne, disponible sur: https://www.lamoncloa.gob.es/serviciosdeprensa/notasprensa/minetur/Paginas/2017/011217tecnologia-5g.aspx

[4] “(…) conjunto de estrategias, directrices y propuestas destinadas a satisfacer las necesidades sociales, no ejecutables directamente, sino a través de su desarrollo por medio de uno o varios proyectos”.

[5] ESP. Ley n°21 de 2013. “Disposición final sexta. Incorporación del Derecho de la Unión Europea.

Mediante esta ley se incorporan al ordenamiento jurídico español la Directiva 2001/42/CE del Parlamento Europeo y del Consejo, de 27 de junio, relativa a la evaluación de los efectos de determinados planes y programas en el medio ambiente, y la Directiva 2011/92/UE del Parlamento Europeo y del Consejo, de 13 de diciembre, relativa a la evaluación de las repercusiones de determinados proyectos públicos y privados sobre el medio ambiente.”.

FR. Loi n° 21 de 2013. « Sixième disposition finale. Incorporation du droit de l’Union européenne.

Par le biais de cette loi, la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, et la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre, relative à l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, sont intégrées dans le droit espagnol ».

[6] CONSTITUTION ESPAGNOLE. FR. Article 54. « Une loi organique réglementera l’institution du Défenseur du Peuple, en tant que haut mandataire des Cortès générales désigné par celles-ci pour défendre les droits figurant au présent titre ; à cette fin, il pourra contrôler les activités de l’Administration, faisant rapport aux Cours générales. »

ESP. Artículo 54. “Una ley orgánica regulará la institución del Defensor del Pueblo, como alto comisionado de las Cortes Generales, designado por éstas para la defensa de los derechos comprendidos en este Título, a cuyo efecto podrá supervisar la actividad de la Administración, dando cuenta a las Cortes Generales.”

[7] PLATAFORMA CIUDADANA PARA LA INVESTIGACIÓN JUDICIAL DEL SECTOR PÚBLICO. “La tecnología 5G en España no cumple con la normativa de impacto ambiental, denuncia el Defensor del Pueblo”, en ligne, consulté le 19 novembre 2020, disponible sur: https://plataforma.quieroauditoriaenergetica.org/blog/14-categoria-blog-1/441-defensor-pueblo-5g

[8] Article 3. « (…) 3. L’Union établit un marché intérieur. Elle œuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique. (…)» .

[9][9] Article 11. « Les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de l’Union, en particulier afin de promouvoir le développement durable. »

[10] “As Low As Reasonably Achievable”.

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