L’instruction obligatoire et le contrôle de l’instruction à domicile en Espagne

I. L’age de l’instruction obligatoire

En Espagne[1], la scolarisation de l’enfant dans les écoles publiques/privées, ou dans les centres d’enseignement, est obligatoire à partir de 6 ans, pour une durée de 10 ans (article 4, loi organique n°2 du 3 mai 2006).

II. Le droit à l’instruction au sein de la famille

L’article 27 de la Constitution espagnole prévoit la liberté d’enseignement et le droit à l’éducation. Son alinéa 8 dispose que les autorités publiques sont tenues de surveiller le système d’enseignement pour garantir son respect dans les conditions prévues par les dispositions législatives.

En 2010, le Tribunal Constitutionnel Espagnol[2] a été saisi en vue de se prononcer sur une plainte individuelle de protection des droits fondamentaux (« recurso de amparo ») formée par deux parents contre une décision judiciaire leur ordonnant de scolariser immédiatement leurs enfants mineurs[3] . Le problème de droit principal consistait donc en déterminer la constitutionnalité de l’article 9 de la loi organique n°10 du 23 décembre 2002[4], imposant aux élèves de poursuivre un enseignement au sein d’une école.

Le juge constitutionnel a rappelé que les parents ne peuvent pas s’appuyer sur la liberté d’enseignement pour décider une éducation différente de celle prévue par le système officiel d’enseignement obligatoire espagnol. Par conséquent, les parents ayant choisi la non-scolarisation de leurs enfants ont méconnu une obligation légale inhérente à l’autorité parentale.

Autrement dit, il résulte de l’interprétation faite par le Tribunal Constitutionnel de la Constitution et de la loi organique portant sur l’organisation générale de l’enseignement, que l’instruction à domicile est inconstitutionnelle. En effet, selon le Tribunal, le choix des parents d’instruire leurs enfants à domicile n’est pas conforme à l’article 27 de la Constitution car la liberté d’enseignement consiste en trois aspects précis. En premier lieu, en la capacité des parents à enseigner à leurs enfants sans préjudice de l’accomplissement de leur devoir de scolariser les mineurs. En deuxième lieu, en la possibilité pour les parents de créer un établissement d’enseignement dont le projet éducatif soit compatible avec leurs préférences pédagogiques. Enfin, en l’exercice correcte du droit à l’éducation pour tous (article 27, paragraphe 1, CE). Ceci concerne, en particulier, la reconnaissance de la liberté des parents de choisir un établissement d’enseignement conforme à leurs propres convictions religieuses et morales (article 27, paragraphe 3, CE), mais exclut toute possibilité d’opter pour l’instruction à domicile pour des raisons liées à « l’échec de l’éducation formelle ».

Nonobstant les prescriptions constitutionnelles et la position du Tribunal constitutionnel le nombre de familles éduquant leurs enfants à domicile est estimé entre 2000 et 4 000 [5].

A. Le cadre juridique espagnol

L’instruction à domicile est interdite sans exception.

B. La jurisprudence du Tribunal constitutionnel espagnol

Le Tribunal constitutionnel espagnol a jugé que :

« (…) La question de savoir si la scolarisation à l’âge correspondant aux enfants des requérants d’amparo doit être obligatoire ou non a été expressément tranchée par le législateur, puisque l’article 9 de la loi organique 10/2002, du 23 décembre, (…) en vigueur au moment où la décision de la juridiction d’appel est rendue, établit que l’enseignement primaire, outre qu’il est obligatoire et gratuit (…) aux termes de l’article 27.4 CE, ‘comprend dix années de scolarité’, de sorte qu’il ‘commence à l’âge de six ans et se prolonge jusqu’à seize ans’ . (…)

Cela signifie que le comportement des parents qui font aujourd’hui une demande de protection consistant à ne pas scolariser leurs enfants, implique le non-respect d’un devoir légal – intégré d’ailleurs dans l’autorité parentale – qui est donc, en soi, anti-légal. Il n’y a donc aucune lacune réglementaire d’aucune sorte. (…)

(…) le droit à l’éducation en tant que droit de liberté ne suffit pas à protéger une supposée faculté des parents de choisir pour leurs enfants, pour des raisons pédagogiques, un type d’éducation qui implique leur non scolarisation dans des écoles publiques ou privées. (…)

(…) Même dans le cas où la décision de ne pas éduquer ses propres enfants est prise pour des raisons morales ou religieuses et est donc conforme au principe protégé par l’article 27.3 CE, l’imposition d’une obligation d’éduquer les enfants âgés de six à seize ans (articles 9.2 LOCE[8] et 4.2 LOE[9]) constitue une limite incorporée par le législateur qui est constitutionnellement viable parce qu’elle est justifiée par d’autres dispositions constitutionnelles contenues dans l’article 27 CE et parce qu’elle ne crée pas une restriction disproportionnée au droit en question. ».


[1] https://eacea.ec.europa.eu/national-policies/eurydice/content/spain_en.

[2] Tribunal Constitutionnel Espagnol, décision n° 133 du 2 décembre 2010, ECLI : ES : TC : 2010 : 133. Voir aussi le document complémentaire de cette décision rendu par le Tribunal constitutionnel le 5 janvier 2011 (en ligne, consulté le 13 novembre 2020, disponible sur : https://www.boe.es/boe/dias/2011/01/05/pdfs/BOE-A-2011-275.pdf ).

[3] À l’origine de cette décision judiciaire se trouvait une demande présentée d’office par le Ministère public sollicitant la scolarisation immédiate des enfants mineurs de ces parents.

[4] La loi organique n° 10 du 23 décembre 2002 a été abrogée par la loi organique n° 2 du 3 mai 2006. En ligne, disponible sur : https://www.boe.es/buscar/doc.php?id=BOE-A-2006-7899

[5] NEXTRAL.ES. “‘Homeschooling’ en España: la alternativa de educar a los hijos fuera del sistema”, publié le 7 septembre 2020, en ligne, consulté le 16 novembre 2020, disponible sur: https://www.newtral.es/homeschooling-espana-alternativa-educacion-vuelta-cole/20200907/

[6] Cette loi a abrogé la loi organique n°10 du 23 décembre 2002.

[7] Voir aussi le document complémentaire de cette décision rendu par le Tribunal constitutionnel le 5 janvier 2011 (en ligne, consulté le 13 novembre 2020, disponible sur : https://www.boe.es/boe/dias/2011/01/05/pdfs/BOE-A-2011-275.pdf ).

[8] Loi organique n°10 du 23 décembre 2002.

[9] Loi organique n°2 du 3 mai 2006.

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